David Gradis

(1665 - 1751)

Rue David Gradis, Bordeaux (Voir le plan)

Portrait de David Gradis

David Gradis I (ca1665-1751) est consacré par une rue parce que sa famille a participé activement au consistoire israélite de Bordeaux ; il y a été « syndic de la nation juive » en 1728, et lui-même a acquis en 1724 un terrain dédié au premier cimetière israélite de la ville (près du cours de la Marne). Jusqu’alors « marchand portugais », il est devenu « bourgeois de Bordeaux » en 1731.

Les Gradis ont animé une longue dynastie du négoce girondin du xviiie au xxe siècles. Ils ont été pleinement partie prenante du système de production et d’échanges transatlantique qui a relié commerce, plantations avec esclaves et, parfois et de plus en plus, traite négrière.

Le négociant en toiles (jusqu’en 1711) David I Gradis crée en 1696 une maison de commerce de vins et spiritueux ; il s’installe à la Martinique où il fonde à Saint-Pierre une affaire de commerce dotée d’une succursale à Saint-Domingue.

Puis l’association entre David I Gradis, son frère Samuel Gradis (1665-1736) et (à partir de 1719) le gendre de celui-ci, Samuel Alexandre (ca1697/1700-1768) (époux de Rachel), dans la société D. Gradis & Alexandre fils, s’articule autour d’une intense liaison commerciale avec les Caraïbes dans les années 1720 – avec dix voyages en 1721-1723. Deux comptoirs sont établis à Saint-Domingue (avec leur neveu David Mendès) en 1723 et à La Martinique vers 1724. Puis ils lancent une société d’armement maritime en 1728, reprise par Abraham (1699-1780), fils de David, et les fils de Samuel Gradis, Benjamin (1699-1771) et Moïse (1714-1788). David II (1742-1811), fils de Benjamin, rejoint la maison plus tard.

L’essentiel reste le trafic (« en droiture ») de Gorée, au Sénégal, du Canada, depuis 1746 et en passant par les Antilles pour le retour, ou de l’Irlande, et l’importation de denrées coloniales (sucre, coton, indigo). David Gradis & fils arme trois négriers, dont Patriarche Abraham en 1730 et L’Africain en 1741. Ils ne représentent que 5 % de son armement total vers les Antilles et fort peu des 221 navires reliant les colonies caribéennes en 1718-1789 qu’elle a armés par elle-même, à une époque où la puissante cité-port de Bordeaux est le premier port français, fort de 70 armateurs. David Gradis I a donc été peu ou prou impliqué dans l’ensemble de ces flux maritimes.

Après sa mort, Gradis ajoute, dans le dernier quart du siècle, la livraison des fournitures à l’État au Canada, puis aux Antilles et enfin à Gorée et à Cayenne. Cependant, dix de ses navires sont impliqués dans la traite des Noirs entre 1771 et 1792. C’est le nombre le plus bas parmi les sept sociétés leaders de ce marché (avec plus de dix expéditions chacune), et de façon dispersée sur ces vingt ans, donc sans priorité stratégique. Elle prend en sus des participations dans des expéditions négrières, comme celles du Marquis de Marigny, de La Rochelle, en 1768-1774.

La société Gradis rejette l’idée d’acheter une plantation (« habitation ») en 1752 ; mais elle récupère ensuite des terres qui servaient de gages à des créances impayées : en symbole du processus d’intégration verticale, elle obtient une « habitation » (une plantation, avec moulin à sucre) à La Martinique en 1773 et deux autres à Saint-Domingue en 1777. Si la rentabilité est modeste (dans les 3,5 % par an), cela permet d’accéder aux informations nécessaires pour court-circuiter les mauvaises pratiques commerciales outre-mer, notamment le retard dans le payement des créances. D’une valeur estimée à 1,8 million de livres en 1789, elles sont menacées par la révolte des esclaves, les incendies et les guerres du tournant du siècle.

Le nom de Gradis est ainsi symbolique des divers flux et étapes du négoce bordelais tout au long du xviiie siècle et de son insertion dans le système de production et d’échanges transatlantique et caribéen – d’où une fortune de quatre millions de livres en 1789 –, avant sa reconversion au siècle suivant.